
Mise en œuvre en Suisse de l'imposition minimale prévue par l'OCDE
- Source : Département fédéral des finances DFF
- Date : 2025-04-19
- Link
Le 1er janvier 2024, la Suisse a introduit l’imposition minimale de l’OCDE. Quelles sont les conséquences des différentes étapes de sa mise en œuvre sur la Constitution, le système fiscal, le budget de la Confédération et pour les entreprises concernées ?
L’essentiel en bref
La Suisse met en œuvre l’imposition minimale par voie d’ordonnance. Le peuple et les cantons ont adopté la modification constitutionnelle requise lors de la votation populaire du 18 juin 2023. Le 22 décembre 2023, le Conseil fédéral a décidé d’introduire l’imposition minimale en Suisse au 1er janvier 2024 au moyen d’un impôt complémentaire national. Le 4 septembre 2024, il a fixé l’entrée en vigueur de l’impôt complémentaire international basé sur la règle d’inclusion du revenu (Income Inclusion Rule, IIR) au 1er janvier 2025. Il s’assure ainsi que le pays ne perdra pas de substrat fiscal au profit de l’étranger et pose un cadre stable en la matière. Enfin, il dispose de six ans pour présenter au Parlement une loi fédérale qui devra remplacer l’ordonnance.
Contexte
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le groupe des 20 principaux pays industrialisés et émergents (G20) estiment que l’imposition des grands groupes d’entreprises actifs sur le plan international telle qu’elle existait jusqu’à présent est dépassée.
Plus de 140 États, dont la Suisse, se sont engagés en octobre 2021 à prélever un impôt d’au moins 15 % sur le bénéfice des grands groupes d’entreprises actifs sur le plan international qui réalisent un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros.
La majorité des États membres de l’Union européenne (UE) ainsi que d’autres États figurant parmi les principaux pays industrialisés ont déjà mis en œuvre certaines parties de l’imposition minimale en 2024.
Modification de la Constitution
Le 18 juin 2023, le peuple a accepté par 78,5 % des voix une modification de la Constitution permettant de créer la base légale en vue de la mise en œuvre de l’imposition minimale. Le peuple et les cantons souhaitaient notamment garantir que les recettes fiscales restent en Suisse et ne finissent pas à l’étranger.
Une disposition transitoire inscrite dans la Constitution fixe les lignes directrices que le Conseil fédéral doit respecter pour mettre en œuvre l’imposition minimale. À cet effet, le Conseil fédéral a édicté une ordonnance qui restera en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit abrogée par une loi fédérale. Il dispose de six ans au plus pour présenter cette loi au Parlement.
Qui est concerné?
La nouvelle imposition minimale concernera uniquement les grands groupes d’entreprises actifs sur le plan international qui réalisent un chiffre d’affaires mondial d’au moins 750 millions d’euros par an. En Suisse, il s’agit de quelques centaines de groupes d’entreprises indigènes et de quelques milliers de groupes d’entreprises étrangers. Par conséquent, environ 99 % des entreprises ayant leur siège en Suisse ne seront pas touchées directement par la réforme et resteront imposées de la même manière qu’à l’heure actuelle.
Une imposition inférieure à 15 % est possible dans tous les cantons. L’introduction de l’imposition minimale touchera cependant tout particulièrement les cantons dans lesquels la charge fiscale est faible et de nombreuses grandes entreprises rentables sont implantées.
Impôt complémentaire dans l’ordonnance
Si l’imposition minimale n’est pas atteinte, le montant manquant est perçu au moyen d’un impôt complémentaire, qui prend la forme d’un impôt fédéral. Comme pour l’impôt fédéral direct, son exécution incombe aux cantons.
La mise en œuvre, depuis le 1er janvier 2024, de l’imposition minimale en Suisse pour les groupes d’entreprises et les entités constitutives concernés par la réforme passe en premier lieu par l’application de l’impôt complémentaire suisse (Qualified Domestic Minimum Top-Up Tax, QDMTT). Parallèlement, l’impôt complémentaire international basé sur la règle d’inclusion du revenu (Income Inclusion Rule, IIR) permet d’assurer l’imposition minimale (auprès de la société mère ultime ou d’une holding intermédiaire) de toutes les entités constitutives étrangères d’un groupe d’entreprises qui ne sont pas imposées au taux minimal de 15 % à l’étranger.
Conséquences
Les conséquences financières de l’imposition minimale sont incertaines. Les recettes provenant de l’impôt complémentaire suisse devraient se situer entre 1 et 2,5 milliards de francs dans les premiers temps. La Suisse encaissera les premières recettes en 2026. L’incertitude découle notamment du fait que l’estimation repose sur une base de données incomplète. En outre, l’assiette fiscale prévue par l’OCDE et le G20 n’est pas identique à celle définie par le droit suisse. L’estimation ne prend pas non plus en considération les éventuels changements de comportement des entreprises (par ex. une diminution des investissements en Suisse) ni les décisions des cantons en matière fiscale (par ex. une modification du barème de l’impôt sur le bénéfice).
Concernant ce dernier point, plusieurs cantons prévoient en effet d’augmenter leur impôt sur le bénéfice, ou ont déjà pris une décision en ce sens. Il est donc probable que le potentiel de recettes du QDMTT pour la Confédération soit finalement plus faible par la suite que lors de la première année qui suit son introduction.
Le potentiel de recettes de l’impôt complémentaire international basé sur la règle d’inclusion du revenu (Income Inclusion Rule, IIR) s’établit dans un premier temps, selon les estimations, entre 0,5 et 1 milliard de francs. Il est probable que la plupart des États s’arrangent pour atteindre, à terme, eux-mêmes l’imposition minimale sur leur territoire. Si c’est le cas, la Suisse ne percevrait alors que temporairement des recettes au titre de l’IIR.
Le projet conjoint de l’OCDE et du G20 diminue l’attrait fiscal de la Suisse. Les changements de comportement des entreprises induits à moyen et à long termes par ce projet pourront avoir une incidence négative non seulement sur les recettes de pratiquement tous les impôts, mais aussi sur celles provenant des cotisations aux assurances sociales. C’est pourquoi une partie des fonds générés par l’impôt complémentaire devra être affectée au financement de mesures en faveur de la place économique suisse. La réforme devrait également diminuer la concurrence fiscale à l’intérieur même de la Suisse, les cantons à forte fiscalité devenant plus attrayants que les cantons à faible fiscalité. Elle fera en outre croître la charge administrative des entreprises et des autorités.