Réformes économiques et budgétaires en Algérie : état des lieux, défis, perspectives.

Qu’est-ce que la réforme ?

L’Algérie s’est inscrit dans un vaste chantier de réformes en vue de transformer son environnement institutionnel. Ces réformes majeures visent notamment à instaurer les instruments de l’économie de marché, à faire de l’investissement productif le moteur de la croissance et à recentrer l’action de l’État autour de ses missions pérennes.

Les changements que sous-tendent ces réformes touchent tous les secteurs et impliquent une modification des rapports entre les agents économiques, notamment entre les opérateurs de la sphère productive et le système financier, et entre l’État et ces mêmes opérateurs.

Parmi les objectifs principaux du Gouvernement figure la transformation de l’environnement institutionnel, structurel, fonctionnel et sectoriel de l’économie nationale.

En matière de gestion des finances publiques, les actions visent à maîtriser et mieux distribuer les ressources de la collectivité. C’est dans ce cadre qu’intervient le projet de modernisation des systèmes budgétaires (MSB) dont les objectifs sont de :

-Faciliter les choix stratégiques par une information et des analyses de meilleure qualité.

-Améliorer la capacité de prévision des dépenses publiques.

-Responsabiliser les agents et institutions responsables de l’utilisation des fonds publics.

-Renforcer le suivi de l’exécution du budget et l’efficacité de la mise en œuvre des politiques.

-Faciliter le contrôle de l’ensemble des dépenses publiques.

-Améliorer la transparence budgétaire afin d’éclairer les choix de politiques économiques et sociales.

L’objectif du MSB est que le budget ne soit plus simplement un document financier, mais qu’il devienne l’expression de choix réfléchis sur l’utilisation des ressources. La préparation du budget des dépenses de l’État s'inscrit donc dans un horizon pluriannuel balisé par un cadre des dépenses à moyen terme sur cinq ans, structuré autour de programmes dont la gestion repose sur la fixation d'objectifs et le contrôle de l'atteinte des résultats.

La Loi Organique relative aux Lois de Finances ( LOLF ) :

La loi organique relative aux lois de finances, a pour objet de définir les règles relatives à la préparation des lois de finances, leur contenu, leur mode de présentation par le gouvernement et leur adoption par le parlement. Elle fixe aussi les principes et règles des finances publiques, des comptes de l’Etat et d’exécution et de contrôle de la mise en œuvre des lois de finances.

Au-delà de la conformité juridique avec la Constitution (article 141), il a été utile de fonder la révision de la loi n°84-17 du 7 juillet 1984, modifiée et complétée, relative aux lois de finances, sur l’évolution à la fois des systèmes politique et économique, de la réforme de l’Etat et de la nécessaire modernisation des finances publiques. Les relations entre Gouvernement et le Parlement, eu égard l’évolution institutionnelle, le contexte international ainsi qu’aux principes de bonne gouvernance et de sincérité dans la gestion de l’économie et des finances publiques.


La LOLF vise à satisfaire notamment quatre objectifs majeurs :

1-La réforme du cadre de la gestion des finances publiques en l’orientant vers la recherche de l’efficacité et des résultats.

2-La transparence des informations budgétaires.

3-Le renforcement de l’information et le contrôle parlementaire.

4-L’intégration des éléments de souplesse budgétaires.

Concernant le premier objectif, la LOLF définit un nouveau cadre juridique, qui doit être le support d'une réforme en profondeur de la gestion publique, au moyen d'un engagement sur des objectifs et d’une responsabilisation des gestionnaires.

La réforme budgétaire engagée consiste en la modernisation des systèmes budgétaires dont les supports majeurs visent :

Une approche pluriannuelle des recettes et des dépenses de l’Etat (le CBMT) .

Une réforme centrée sur la responsabilisation des gestionnaires et le contrôle de la performance (plus d’autonomie et plus de responsabilité) .

Une mise en place des nomenclatures budgétaires par l’unification des budgets de fonctionnement et d’investissement sous un compte unique.

Concernant la transparence des informations budgétaires, cela se concrétise entre autres par :

L’accompagnement des lois de finances de huit (08) annexes au lieu de trois (03) .

L’élargissement des documents accompagnant le projet de loi de finances.

L’introduction des principes comptables.

Concernant le renforcement de l’information, la LOLF améliore l'information sur la situation financière et patrimoniale de l'Etat à travers la loi portant règlement budgétaire, qui est désormais accompagnée du compte général de l'Etat et d'un rapport d’évaluation de performance et d’une certification des comptes de l'État par la Cour des comptes.

La loi portant règlement budgétaire ne sera plus un simple relevé comptable, mais sera aussi un moyen de contrôler les résultats des objectifs et la performance des gestionnaires.


La LOLF a intégré une panoplie d’éléments de souplesse budgétaires, entre autres :

-La prise en compte des cas d’urgence par décrets d’avance sans attendre à avoir recours à une loi de finances rectificative.

-L’introduction d’une période complémentaire qui s’étend jusqu’au 20 janvier de l’année suivante celle du budget concerné.

-Le report des crédits de paiement pour les dépenses d’investissement d’un programme sur le même programme dans la limite d'un plafond de cinq pour cent (5%) du crédit initial.

-Le gel ou l’annulation de crédits destinés à la couverture de dépenses, en cas de détérioration des équilibres généraux.

La nouvelle présentation budgétaire sera ainsi encadrée par des objectifs, mesurée par des résultats et évaluée par des indicateurs de performance.

Pour se faire, un certain nombre d'instruments encadrant le processus de modernisation a été conçu, validé et diffusé, notamment :

-Les textes d’application relatifs aux lois de finances.

-Les structures de programmes des ministères et des institutions publiques.

-La nomenclature budgétaire.

-La nouvelle présentation budgétaire.

-Le nouveau cycle budgétaire.

-Un nouveau plan comptable de l'État en adéquation avec la nouvelle classification budgétaire.

La reprise du contrôle des finances publiques en Algérie : planification budgétaire et meilleure gestion des risques :

Une politique budgétaire laxiste est source d’inflation, d’éviction, d’incertitude et de volatilité et in fine un facteur de blocage de la stabilité macroéconomique, elle-même essentielle pour une croissance soutenue et saine. Il faut donc, dans ce cas, reprendre le contrôle des finances publiques par le biais d’un ajustement budgétaire de qualité, seul en mesure de mobiliser l’épargne intérieure, accroître l’efficacité de l’allocation des ressources et contribuer à atteindre les objectifs de développement du pays. En Algérie, la prépondérance du pétrole a toujours compliqué la conduite de la politique budgétaire qui est affaiblie par un certain nombre de vulnérabilités mis à nu par le choc pétrolier de 2014. De plus, une série de risques budgétaires aggravent le niveau du déficit budgétaire et de l’endettement interne. Les autorités ont commencé à prendre des mesures pour restaurer la viabilité des finances publiques et renforcer l’efficacité des politiques publiques. Elles se sont données un certain nombre d’outils importants en mesure de faire la jonction entre les objectifs économiques et budgétaires. Cette démarche est la bienvenue, mais elle doit être désormais inscrite dans le contexte d’une stratégie globale et cohérente à moyen et long termes de refondation de l’économie nationale.

1-Cadre conceptuel : Les déficits budgétaires ont des effets macroéconomiques en cascade. Ils peuvent, en effet, générer de l’inflation (notamment en cas de recours à la planche à billets), faire baisser la productivité globale (du fait de l’incertitude des ménages et des entreprises), déclencher un effet d’éviction (l’état capte des fonds prêtables diminuant ainsi le volume des ressources à la disposition des investisseurs privés), pousser les taux d’intérêt à la hausse (ce qui tend à attirer les capitaux étrangers, apprécier le taux de change et rendre les exportations coûteuses), augmenter l’endettement domestique et/ou externe, décourager et/ou affaiblir l’investissement privé et favoriser la fuite des capitaux

2-Le caractère incontournable du rééquilibrage des finances publiques (viabilité budgétaire) : le retour aux grands équilibres est vital pour créer des espaces budgétaires et préserver les conditions de réussite des objectifs à long terme, comme la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Ces objectifs doivent s’insérer dans un cadre à moyen et long terme. 

Pour restaurer la viabilité des finances publiques, il faut se donner une stratégie budgétaire et des outils de pilotage.

Outil 1 : Le budget programme (et le besoin de rationalisation des choix budgétaires) : Contrairement au budget classique annuel où les ressources publiques tirées de la fiscalité sont réparties administrativement par ministère, le budget-programme s’articule autour de trois axes, la mission, le programme et l’action.

La mission : est un ensemble de programmes s’inscrivant dans le contexte d’une politique publique définie relevant d’un ou plusieurs services ou d’un ou plusieurs ministères. Grace à ces missions, l’état peut assurer la cohérence des politiques publiques qu’il finance.

Le programme : se décline en actions ou activités coordonnées dans le temps (entre 2-5 ans) et dans l’espace destinées à atteindre des résultats objectivement vérifiables .

L’action : l’élément de décomposition le plus fin pour rendre lisible et exécutable la politique publique portée par le gouvernement à travers ses programmes et ses objectifs stratégiques.  

Au préalable de la mise en place d’un budget-programme, il y a d’abord la définition d’une priorité stratégique nationale servant de socle à des programmes sectoriels regroupant des actions cohérentes quantifiées en fonction de leurs coûts et qui serviront de base aux crédits octroyés dans la limite des ressources globales disponibles. De ce fait, le budget-programme offre transparence (affichage des actions) et performance (détermination des objectifs à réaliser) et érige le budget en un plan des dépenses à engager. Plus important, le budget-programme s’inscrit dans une démarche de rationalisation des choix budgétaires que les anglo-saxons appellent le planning-programming-budgeting systems (PPBS). Cette approche facilite l’évaluation constante des politiques publiques. 

Outil 2 : le cadre budgétaire à moyen terme (CBMT), vecteur de maitrise des finances publiques : 

 Le budget triennal aide à réduire les lacunes de la budgétisation annuelle en favorisant :

-la stabilisation du cadre macroéconomique.

-la répartition efficiente et équitable des ressources.

-la fourniture effective et efficace de services publics.

-la transparence et la bonne gouvernance.

 En même temps, sa mise en place implique :

-un réalisme dans les travaux de projection par le biais d’un travail régulier de réévaluation des hypothèses macroéconomiques (croissance, inflation, taux de change, risques budgétaires), des recettes, des plafonds de dépenses et des soldes budgétaires afin d’éviter un endettement élevé ou une accumulation d’arriérés de paiement domestiques et/ou externes.

-la fixation de plafonds de dépenses (par missions et programmes si besoin est) sur une base triennale glissante : ces plafonds sont fermes la première année (car ils ont vocation à être repris dans la loi de finances initiale) mais révisables les deux années suivantes .

-la création et la participation d’un conseil indépendant des finances publiques dont le but est d’évaluer le réalisme des prévisions macroéconomiques associées aux lois de finances et textes financiers et d’assurer la cohérence de la trajectoire des finances publiques avec les axes stratégiques du pays.

-une comptabilité budgétaire (lois de règlements, explications des déviations, etc...).   

Autres outils complémentaires : pour asseoir la crédibilité du CBMT, ce dernier doit être cohérent et articulé autour d’outils de pilotage complémentaires de l’économie dont au moins :

-Un cadre macroéconomique à moyen terme (CMMT) pour assurer la cohérence avec les autres objectifs macroéconomiques du pays (monnaie, agrégats extérieurs, etc.).

-Un cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) pour mettre en cohérence les dépenses sectorielles avec les programmes de dépenses à moyen terme. De plus, il implique la disponibilité de nombreux indicateurs économiques, financiers et sociaux. 

3-Vulnérabilités et risques budgétaires : les finances publiques en Algérie sont caractérisées par :

-La faiblesse des recettes fiscales.

-Le poids de certaines dépenses courantes.

-L’inefficience des dépenses en capital.

-L’absence d’équilibre entre viabilité budgétaire et croissance économique dans la gestion du déficit budgétaire.

Au cours des vingt dernières années, les déficits budgétaires ont été couverts par le recours à l’épargne budgétaire, les tirages sur les comptes des entités publiques au Trésor, la création monétaire (2017, 2018 et 2019), la diminution des dépôts du gouvernement et d’autres entités publiques (2020) et une combinaison de mesures (investissement d’une partie des fonds propres de la Banque d’Algérie (BA) dans des obligations du Trésor à trois ans, avances temporaires au Trésor de la part de la BA et programme spécial de refinancement (une opération impliquant la BA, l’État, les banques privées et le Trésor (2021). 

 De plus, d’autres risques aggravent la viabilité des finances publiques, y compris :

-Les chocs macroéconomiques (les plus fréquents) .

-La volatilité des prix du pétrole.

-Les garanties implicites et explicites accordées aux entreprises publiques.

-Le déséquilibre financier du système de retraites.

-Les partenariats publics-privé.

-Le poids financier des administrations locales. 

Les perspectives financières 2023-2024 ne sont pas favorables :

En 2022, la remontée des prix du pétrole a permis de dégager pour la première fois en quelques années un surplus global de 2,2 % du PIB. Toutefois, en tant que pays pétrolier, la viabilité des finances publiques se mesure à travers le solde global non pétrolier (solde des recettes non pétrolières et des dépenses totales en pourcentage du PIB non pétrolier) qui fournit une base solide pour l’adoption de mesures de consolidation budgétaire. Or pour 2022, ce dernier a enregistré un déficit de 24,4 % du PIB hors pétrole (en comparaison d’un déficit normatif de 10 % selon la méthode du revenu permanent). Pour 2023 et 2024, les projections le situeraient à 29,5 % et 25,4 % du PIB hors pétrole, en raison de projections macroéconomiques externes et internes qui affecteront la croissance du pays (chute de l’activité de 2,9% en 2022 à 2,6 % en 2024), les recettes hors pétrole (stagnation des recettes hors pétrole à 19,8 % du PIB hors pétrole en 2023-2024) et les dépenses totales d’une hausse des dépenses totales de 2,4 points de pourcentage entre 2022-2024.  

Un ajustement budgétaire significatif est incontournable pour restaurer la viabilité des finances publiques. De près de 15 points de pourcentage du PIB hors pétrole, l’ajustement budgétaire impliquera :

-Une stratégie globale et cohérente à long terme de croissance élargie et inclusive.

-Des réformes profondes devant affecter les recettes fiscales (politique fiscale, administration fiscale et douanière et avantages fiscaux), les dépenses courantes (rationaliser la masse salariale et les subventions et transferts), les dépenses en capital (simplifier et renforcer l’efficience de la chaine de gestion institutionnelle des investissements publics) et la structure de financement des déficits (combiner des sources variées stables afin d’éviter de bloquer la croissance économique) .

-Des instruments de pilotage et des institutions de suivi et de gestion des finances publiques. 

Les mesures prises à ce jour par les autorités incluent :

L’adoption du premier budget-programme en 2023 suite à l’adoption de la loi organique (mise en place par la constitution de 1996) portant lois de finances du 2 septembre 2018 .

Une nouvelle procédure pour réduire le lag de la publication des lois de règlement de 3 ans (N-3 jusqu’en 2022) à un lag de 2 ans (N-2 pour les lois de règlement des exercices budgétaire 2023, 2024 et 2025) et un lag de 12 mois (N-1 pour les lois de règlement de l’exercice budgétaire 2026). De ce fait, les lois de règlement pourraient progressivement servir de base de projection et renforcer la crédibilité du CBMT et partant celui du CDMT en cohérence avec le cadre macroéconomique à moyen terme.

La réactivation du cadre budgétaire à moyen terme couvrant la période 2023-2025. 

Ce qui pourrait améliorer le CBMT lui-même :

-Abandonner l’approche descendante du CBMT pour mieux intégrer les stratégies de dépenses des ministères.

-S’assurer que le champ du CBMT intègre toutes les opérations financières de l’administration financière pour disposer d’une vision globale de cette dernière

-bien maitriser les déterminants des coûts des programmes et actions sur la base de stratégies sectorielles détaillées.

-Maitriser les risques budgétaires à travers un travail d’évaluation de leurs impacts.

-le renforcement des capacités statistiques de l’administration financière couvrant les budgets et leur exécution (dont le tableau des opérations financières de l’état), la trésorerie et tous les états financiers.

Les dispositifs en place et les orientations budgétaires gagneraient à être renforcés par un écosystème plus favorable comprenant :

-Le développement d’un savoir-faire en matière économique.

-Des points d’ancrage à long terme (consacrés par une vision du futur et une stratégie de développement à long terme) qui servent de référents de gestion.

-Des politiques publiques régulièrement adaptées aux défis de l’heure, ce qui implique une flexibilité décisionnelle pour intégrer les changements qui surviennent.

-Une panoplie d’outils de projection et de gestion macroéconomique.

-Un mode opératoire et un cadre institutionnel flexible et efficient.

-Des mécanismes et politiques en place pour communiquer, rendre compte et maintenir l’adhésion des populations et des partenaires. 

Plan de Relance Economique 2020-2024: un plan ambitieux pour le développement du pays.

Initié par une instruction du Président de la République lors du Conseil des Ministres du 26 juin 2020, préparé par les services spécialisés du Ministère Délégué auprès du Premier Ministre chargé de la Prospective et débattu par la CNPRE (Conférence Nationale sur le Plan de Relance Economique) réunissant, les 18 et 19 Août 2020, les syndicats, les administrations, les secteurs ministériels, les organisations patronales, la société civile et des experts du monde académique, le Plan de Relance Economique a été élaboré pour la période moyenne 2020-2024. Comme son nom l’indique, ce plan a pour objectif ultime la remise en marche de l’économie nationale qui a subi un choc sanitaire sans précédent suite à la pandémie de Covid19 et un choc économique des plus graves dû à la chute drastique du prix du pétrole de janvier 2020. Ce plan, qui pour la première fois peut-être dans l’histoire économique algérienne, se veut pédagogique sur le côté conceptuel et méthodologique grâce à l’effort de définition des concepts et de la méthodologie utilisés, procède d’une logique analytique qui aurait dû déboucher sur une image globale et chiffrée de l’économie algérienne à l’horizon 2024. En effet, le Plan commence très logiquement et méthodiquement commence par faire un état des lieux quasi exhaustif de la situation économique au cours de la décennie  2009-2019, incluant les effets de la pandémie du Covid19 et de la chute du prix du pétrole de 2020. Il aborde ensuite la période du plan (2020-2024) en énonçant les objectifs et en indiquant les données macroéconomiques qui ont servi de base à son élaboration, pour terminer par le lancement de trois études devant porter sur la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique et le capital humain, trois domaines considérés, à raison, il faut le souligner, comme stratégiques pour l’avenir du pays.

Nous passerons en revue dans cette étude, le Plan de Relance, examinant successivement ses différents éléments, à savoir :

1-Le contexte et l’état des lieux.

2-Les principes directeurs et les objectifs du Plan.

3-Les autres déterminants du Plan de Relance.

1-Le contexte et l’état des lieux :

Dans cette partie du plan, ses promoteurs analysent de façon quasi exhaustive et méthodique deux aspects qui expliquent la récession économique qui frappe le pays depuis une décennie et qui s’est aggravée en 2019 : la situation économique prévalant jusqu’en 2019 d’une part, et les effets combinés de la pandémie du Covid19 et de la chute des prix du pétrole de 2020, d’autre part. S’agissant de la situation économique depuis 2009 jusqu’en 2019, le Plan de Relance souligne la trop grande dépendance de l’économie algérienne par rapport aux hydrocarbures. En effet, ce dernier secteur représentait 93% du budget de l’Etat en 2019 alors qu’il ne représentait que 59% en 2009. Ce secteur comptait aussi pour 98% des exportations en 2019.La part de l’industrie dans la valeur ajoutée nationale (VAN) était de 6,2% seulement en 2009, alors que celle des hydrocarbures était de 21,21%. Cette malédiction, l’Algérie en a fait les frais à la suite des trois chocs pétroliers de 2008, 2014 et 2020. Si l’Algérie a pu résister aux deux premiers chocs (2008 et 2014), c’était grâce au Fonds de Régulation des Recettes (FRR) qui avait atteint son pic en 2013 (194 milliards de $). Cependant, depuis 2014, ce fonds a commencé à s’assécher jusqu’à atteindre un niveau de recettes de 63 milliards de $ en 2019. A la suite de ce constat, les promoteurs du Plan analysent la situation dans les secteurs hors hydrocarbures. Ils soulignent, en particulier, la faible contribution du secteur industriel à l’économie nationale. Avec une valeur ajoutée de 5,9% (soit 930 milliards de DA), l’industrie ne contribue que faiblement à la croissance du PIB. Par ailleurs, environ 50% de la valeur ajoutée industrielle est réalisée par le secteur public, montrant ainsi la faible contribution du secteur privé à l’économie nationale. Le Plan analyse ensuite la situation des entreprises algériennes. Le constat dans ce domaine est triple : les entreprises sont très peu compétitives, exportent très peu et sont dominées par le secteur public. Le Plan passe ensuite en revue la situation sur le plan social, notamment en matière d’emploi. Il note le chômage élevé, notamment chez les jeunes, les femmes et les diplômés. Le chômage des femmes (20,4% en 2019) est supérieur à celui des hommes (9,1% en 2019) ; le chômage des jeunes est de 20,9% en 2019) ; le chômage des intellectuels en 2019 est de 18% pour les diplômés de l’enseignement supérieur et 13,5% pour les diplômés de la formation professionnelle. Le Plan souligne aussi que le chômage n’a pas baissé substantiellement en dépit de tous les dispositifs de soutien à l’emploi mis en œuvre par le gouvernement : ANSEJ, CNAC, ANGEM, OPAP (Organisme privés Agréés de Placement), DAIP (Dispositifs d’Appui à l’Insertion Professionnelle), CNAC (Caisse Nationale d’Assurance-Chômage), TUP-HIMO (Travaux d’Utilité Publique à Haute Intensité de Main-d’œuvre), Blanche-Algérie, DID (Dispositif d’Insertion Sociale), DAIS (Dispositif d’Activité d’Insertion Sociale). Le Plan analyse également les données dans le domaine des finances publiques. La baisse des prix du pétrole a eu des effets désastreux sur les finances publiques. Le résultat est un déficit de -1 417 milliards de DA en 2020 alors qu’il n’était que de -694 milliards de DA en 2017. Le Fonds de Régulation des Recettes (FRR), qui servait à éponger ce déficit, a vu son montant se réduire drastiquement, ce qui a obligé le gouvernement à recourir à d’autres sources de financement (réduction des dépenses budgétaires, notamment de fonctionnement, augmentation des recettes fiscales non pétrolières. S’agissant des effets du Covid19 sur l’économie, les promoteurs du Plan de Relance font une analyse globale et une analyse de ces effets par secteurs d’activités. Tout d’abord, l’impact a été très fort sur la croissance économique qui est passée d’un taux de +3,3% en 2017 à un taux négatif de -6,4% en 2020. Du fait de la baisse (voire de l’arrêt) de l’activité de plusieurs entreprises, la balance commerciale a vu son déficit augmenter, passant de -6,1 milliards de $ en 2019 à -10,5 milliards de $ en 2020, soit une augmentation de 73%. La pandémie a eu aussi des effets sur la production d’hydrocarbures. La production et les exportations ont, en effet, diminué de façon substantielle au moment où la consommation intérieure a augmenté. Covid19 a eu aussi des conséquences sur l’emploi qui a chuté à la suite des mesures de confinement adoptées par le gouvernement en 2020. Entre 2019 et 2020, les offres d’emplois ont baissé de 39% et les demandes d’emplois de 30%. Les entreprises qui ont fermé définitivement ou temporairement leurs portes en 2020 sont estimées à près de 3 000, soit environ 82% du total des entreprises.

2-Les principes directeurs et les objectifs du Plan de Relance Economique :

Organisée en 11 ateliers - développement agricole, développement industriel, développement minier, facilitation des investissements, microentreprises et start-ups, développement des secteurs de soutien, maîtrise du commerce extérieur, industrie pharmaceutique, BTPH, développement des ressources énergétiques) - la Conférence Nationale sur la Relance Economique (CNRE), réunie les 18 et 19 Août 2020, a fixé un certain nombre de principes directeurs et d’objectifs pour la période 2020-2024. Le Plan a aussi défini un certain nombre de nouveaux leviers de la croissance économique. Le troisième volet du Plan concerne les facteurs de succès de la relance. En quatrième lieu, le Plan a proposé les méthodes de financement de la relance. Le Plan termine par proposer le lancement de trois études considérées comme stratégiques pour la relance : la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique, et le capital humain. Les principes fondamentaux du Plan sont au nombre de sept :

1-Renforcement de l’Etat de Droit (primauté de la loi).

2-Renforcement des institutions (renforcement des capacités de l’Etat).

3-Concrétisation de l’égalité des chances (égalité sociale).

4-Participation de la société civile à l’élaboration des politiques (inclusivité).

5-Soutenabilité des projets, programmes et réformes.

6-Amélioration du niveau de l’enseignement (amélioration du capital humain).

7-Renforcement du secteur privé et des institutions de la société civile.

Le Premier Ministre a aussi déterminé les orientations du gouvernement pour la période   2020-2024, au nombre de treize :

1-Diversification de l’économie.

2-Maîtrise du cadrage du commerce extérieur.

3-Valorisation des ressources naturelles, notamment minières.

4-Substitution des produits importés par des produits fabriqués localement.

5-Promotion des PME et des micro entreprises,

6-Valorisation des potentialités humaines, notamment celles se trouvant à l’étranger.

7-Révision de la règle 49/51 concernant les «joint-ventures» .

8-L’abrogation du droit de préemption et son remplacement par l’autorisation préalable du gouvernement.

9-Suppression de l’obligation du recours au financement local pour les investisseurs étrangers.

10-Annulation du régime préférentiel d’importation.

11-Protection de l’écosystème et développement de l’économie de la connaissance et des startups.

12-Réformer le système fiscal.

13-Libérer le foncier, notamment industriel, pour faciliter l’investissement.

Dans le domaine particulier de la diversification de l’économie, le Premier Ministre a déterminé le cadre règlementaire dans lequel celle-ci doit s’inscrire et qui comprend dix mesures :

-Créer un système de stimulants pour accroître le taux d’intégration de l’économie nationale, notamment par l’industrie du montage.

-Etendre la sous-traitance par des mesures incitatives aux PME et PMI.

-Garantir la transparence de l’acte d’investissement.

-Faciliter la création d’entreprises par les investisseurs.

-Lutte contre la bureaucratie sous toutes ses formes.

-Accélérer la transition énergétique et écologique ainsi que la digitalisation de l’économie.

-Accorder une attention particulière à l’agriculture et à l’industrie agroalimentaire et aux industries pharmaceutiques et aux ressources halieutiques.

-Développer toutes les régions du pays pour réduire les disparités régionales.

-Engager un dialogue social et responsable avec les partenaires sociaux afin d’assurer leur participation effective à la relance.

3-Les autres aspects déterminants du plan de Relance Economique :

Plusieurs autres volets sont également abordés dans le Plan de Relance :

-Les nouveaux leviers de la croissance.

-Les facteurs de réussite de la relance.

-Les modes de financement du Plan.

-Le PPP Partenariat « Public-Privé ».

-Les projections pour 2020-2024.

-Les trois études à lancer pour appuyer la relance (la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique, le capital humain).

S’agissant des nouveaux leviers de la croissance, le Plan cite : l’entrepreneuriat, le développement Industriel comme facteur structurant des chaînes de valeurs, l’agriculture comme garant de la sécurité alimentaire, l’énergie (dans le cadre de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables), la valorisation du secteur des mines, la numérisation et la digitalisation de l’économie, l’industrie pharmaceutique, le BTPH, et l’encouragement des IDE . Concernant des facteurs de succès de la relance économique, le Plan souligne l’importance qui doit être accordée aux domaines suivants : l’innovation et l’économie de la connaissance, l’amélioration du climat des investissements, la lutte contre la corruption, la simplification des procédures administratives, l’augmentation de l’offre foncière, la réforme du système bancaire et financier, l’amélioration de la gouvernance économique, la restructuration et la modernisation du secteur public marchand.

Pour ce qui est des modes de financement de la relance économique, le Plan en envisage quatre:

-le financement budgétaire.

-le financement monétaire.

-la création de banques de développement sectorielles.

-le PPP (Partenariat «Public/Privé»).

Concernant le volet budgétaire, le Plan propose tout un programme d’investissements dans l’infrastructure économique et administrative, l’habitat, les programmes communaux de développement, l’éducation et la formation, l’agriculture, l’hydraulique et les infrastructures socio-culturelles. Pour ce qui est du volet monétaire, et compte tenu de la raréfaction des ressources financières due à la chute des prix du pétrole de 2020 et à l’épuisement du Fonds de Régulation des Recettes (FRR), l’Etat compte recourir à la planche à billets comme alternative à l’endettement extérieur. Pour ce qui est de la création des banques de développement, l’Etat considère, entre autres, l’établissement d’une Banque de Développement de l’Habitat et d’une Banque de développement agricole.

S’agissant du PPP (Partenariat «Public/Privé»), l’Etat table sur le renforcement du partenariat entre les entreprises publiques et les entreprises privées, y compris la création de «joint-ventures» entre les entreprises algériennes et étrangères. Le Plan souligne, en effet, la faiblesse des relations entre les secteurs public et privé et le poids dominant du secteur public dans l’économie. Ce partenariat est aussi vu comme une alternative à l’endettement extérieur.
Le cinquième volet du Plan de Relance, qui s’intitule «Perspectives des principaux indicateurs macroéconomiques», est pratiquement le seul où le Plan donne un nombre très limité de données chiffrées pour la période 2020-2024. En effet, les seules données quantifiées indiquées pour la période planifiée 2020-2024 sont celles relatives au taux de croissance économique qui passerait de 4,30% en 2020 à 3,84% en 2025 et celle concernant le taux d’inflation qui passerait de 1,95% en 2019 à 4,59% en 2023.

Le sixième et dernier volet du Plan concerne le lancement, au cours de la période 2020-2024, de trois études considérées par le gouvernement comme stratégiques. Il s’agit d’une étude sur la sécurité alimentaire, une étude sur la sécurité énergétique, et une étude sur le capital humain. L’étude sur la sécurité alimentaire porterait sur la valorisation des productions agricoles et leur transformation par le biais de l’industrie agroalimentaire, leur conservation par les circuits de stockage et les opportunités d’exportation de ces productions. L’étude sur la sécurité énergétique viserait à assurer un approvisionnement énergétique continu à long terme et à un coût financier et environnemental acceptable. Cette étude est dictée, selon les promoteurs du Plan, par le changement climatique et la raréfaction des ressources non renouvelables (hydrocarbures) et permettrait une «transition énergétique», et par suite, une «transition économique et écologique». Cette étude couvrirait trois aspects : la production d’énergie, le modèle de consommation énergétique et la valorisation des ressources énergétiques. La troisième étude porterait sur le capital humain et la jeunesse. La prémisse est que pour que les citoyens participent productivement au développement, il faut qu’ils aient une bonne santé et une éducation de qualité. L’autre argument est que si l’Algérie veut être au diapason du 21è siècle, elle doit anticiper sur les métiers et les qualifications du futur. Cependant, le problème n’est pas tant le manque de ressources humaines qualifiées, l’Algérie a investi des sommes importantes en dinars et en devises pour former des hordes entières de cadres de haut niveau mais plutôt la fuite de ces cerveaux vers les pays avancés. Le résultat est que ce sont ces derniers qui en bénéficient, laissant le pays qui les a formées dans l’incapacité de prendre son envol.

Esquisse d’un Plan d’action à moyen terme (2024-2027) pour réformer les finances et l’économie nationale.

Un nouveau modèle de développement économique et social est indispensable pour l’Algérie. Le défi est colossal car il s’agira ni plus ni moins que de sortir de l’immobilisme actuel et mettre sur pied au cours des trois prochaines décennies une nouvelle économie décarbonisée tirant sa croissance de sources différentes dont, entre autres, le numérique, le vert, le bleu et le savoir pour faire passer l’Algérie de pays en développement à revenu intermédiaire à celui de pays émergent à l’horizon 2050. Ceci implique des réformes profondes et cohérentes avec cette vision à long terme et servant de socle à la première stratégie décennale 2030 dont les objectifs intermédiaires sont de jeter les bases d’une économie dynamique, diversifiée, ouverte et inclusive. Cette stratégie permettra d’articuler le premier plan d’action quadriennal couvrant la première période 2024-2027.

Les défis internes :

1-Restaurer la viabilité des finances publiques et la résilience aux chocs extérieurs. En effet, en l’absence de réformes macroéconomiques et structurelles, les perspectives à l’horizon 2027 font ressortir :

Des finances publiques insoutenables : (déficit global, hors CNR aux environs de 12 % du PIB), financé par de la dette intérieure.

Des comptes extérieurs affaiblis (aux alentours de 6% du PIB) financés par un recours aux RIC dont le niveau baisserait progressivement à environ $12 milliards en 2026 (3 mois d’importations).

Une croissance économique atone qui sera d’environ 1 % en moyenne sur le moyen terme.

Une accélération de l’inflation (qui devrait progresser à 15% % en 2026), résultat de la persistance des déficits budgétaires financés par de la création monétaire et de la faiblesse de l’offre.

2-Maîtriser l’inflation. Sinon il est impossible de mener des réformes et d’avoir une adhésion de la population à ces dernières.   

3-Maximiser la croissance économique : en prenant appui sur les atouts du pays (nappe phréatique du Sud, énergie solaire, sous-sol minier, facteur travail abondant) et en renforçant l’efficience de l’économie (levée ordonnée des restrictions commerciales, renforcement judicieux de l’intégration aux chaînes de valeurs mondiales et au système financier international et élimination des rigidités structurelles (accès au financement, faible gouvernance favorisant la corruption, transparence et concurrence insuffisantes, barrières à l’entrée élevées, marché du travail rigide et climat des affaires inadéquat).

4-Mobiliser des financements en appui d’un programme de réformes macroéconomiques et structurelles incontournables : l’absence d’épargne budgétaire et la chute continue du niveau des RIC contraignent un processus autonome de réformes ambitieuses. La mise en œuvre de ces dernières implique désormais la mobilisation de l’épargne étrangère et par conséquent la disponibilité de bons dossiers et d’un plan d’action à moyen terme pour intéresser des partenaires (bilatéraux, entreprises internationales et institutions régionales et multilatérales).

Les défis extérieurs :

Dont la prise en considération permettra de concevoir une stratégie opérationnelle. Ils incluent   

1-A court terme, la montée des risques d’une récession mondiale en 2024 : compte tenu de la flambée de l’inflation, des fortes hausses des taux d’intérêt et du ralentissement de la croissance en Chine. Les banques centrales ne pourront pas réduire la hausse des prix et organiser un atterrissage en douceur en même temps.

2-A moyen terme, de nouveaux trends géostratégiques : qui ne manqueront pas d’influencer la nouvelle stratégie de l’Algérie, notamment la montée de l’Asie comme région économique dominante du monde ; la poursuite de la globalisation car les échanges extérieurs sont source de richesse pour tous les pays du monde et un vecteur de lutte contre la pauvreté (une fragmentation des chaînes de valeur sera porteuse de hausse des coûts, de chute de productivité et de baisse de croissance pour tous); la transition énergétique quand bien même celle-ci serait ralentie; une accélération du commerce des services grâce à l’intelligence artificielle ; et une montée des crypto monnaies banques centrales.

Les objectifs stratégiques (2024-2030) :

 Conformément à la vision 2050, ils viseront à :

-Réduire le déficit budgétaire hors hydrocarbures.

-Contenir le déficit du compte courant de la balance de paiements.

-Stabiliser la dette publique à moyen terme.

-Relancer la croissance économique et créer des emplois.

-Moderniser et diversifier l’économie du pays.

La réalisation de ces objectifs impliquera de nombreuses réformes étalées dans le temps et un sequencing approprié (vu qu’elles sont complexes et interdépendantes et ne manqueront pas de créer des résistances de la part d’intérêts bien enracinés dans le pays). En outre, cela permettra de répartir le coût des ajustements qui peuvent être très élevés et préserver ainsi l’appui du public.

Le plan d’action quadriennal 2024-2027 :

1-Les ajustements macroéconomiques :

-Les finances publiques : compte tenu de la durée de vie de nos réserves pétrolières et en gaz actuelles, le déficit budgétaire hors hydrocarbures (le point d’ancrage de la politique budgétaire) soutenable est de 10% du PIB hors pétrole, en comparaison d’un taux projeté de 30,2 % du PIB hors pétrole en 2022. Soit un ajustement de 22 points de pourcentage du PIB hors pétrole. Un ajustement considérable qui demandera du temps.

-Le secteur extérieur : Vu l’évolution des indicateurs-clés d’analyse de la viabilité extérieure (déficit de la balance des comptes courants, niveau des réserves, écart entre le taux officiel et le taux parallèle, dépréciation du taux officiel), et en raison d’un compte courant normatif de 5% et un déficit prévu de passer à 6% du PIB en 2022, l’ajustement serait de 1 point de pourcentage (première étape pour renforcer la résilience de la balance des paiements) ;

-Taux de change officiel : pour ce qui est du taux de change du DA, les analyses de viabilité du secteur extérieur estiment la surévaluation à environ 30%.

2-Les politiques publiques :

S’articuleront autour de 3 grands axes complémentaires et cohérents :

-Axe macroéconomique : a pour objectif de retourner à un budget sous contrôle, une inflation maîtrisée et un déficit de la balance des paiements viable, éléments nécessaires pour favoriser l’investissement, la croissance, l’emploi et réduire les inégalités.

Concrètement, il s’agira de procéder à une réduction progressive du déficit budgétaire, accompagnée d’une dépréciation du taux de change (fondamental pour une meilleure gestion des ressources extérieures et de la demande globale) et d’une gestion rigoureuse de la liquidité créée par la monétisation du déficit budgétaire pour contenir l’inflation. Le financement du déficit budgétaire doit établir un équilibre entre le besoin de retour à la viabilité des finances publiques et réduction du déficit budgétaire et celui de la préservation de la croissance.

En cas de recours au financement monétaire, il devra être temporaire et encadré strictement (plafonds quantitatifs, taux du marché et stérilisation adéquate). Alternativement, citons le recours à l’émission de papier public (ce qui impliquerait la mise en place d’un marché obligataire souverain) et/ou la mobilisation de ressources extérieures (à condition que le pays se donne les instruments nécessaires à cet égard).

-Axe structurel : Un axe structurel complémentaire et cohérent qui comprend les réformes macrostructurelles visant à renforcer la qualité de la politique macroéconomique et les réformes ciblant les structures du système économique.

-Actions macrostructurelles : les réformes viseront :

-Les statistiques macroéconomiques.

-les finances publiques, notamment :

Les recettes (niveau de recouvrement, incohérence de certains impôts ; prolifération des avantages fiscaux et douaniers ; et faiblesse de l’administration fiscale et douanière).

Les dépenses (structure et efficacité des dépenses publiques courantes et en capital).

le processus budgétaire (cadre budgétaire pour réhabiliter le budget en tant qu’outil de le gestion macroéconomique) .

La politique monétaire (déblocage du canal de transmission des taux d’intérêt, gestion de la liquidité, communication sur le rôle et les objectifs de la politique monétaire et amélioration de la supervision bancaire).

Le développement du secteur financier.

La politique de change : double action de réforme du marché officiel (revoir le fonctionnement du marché interbancaire des devises) et de mettre fin progressivement au marché parallèle (d’abord réduire l’écart entre les marchés officiel et parallèle par des réformes techniques et des nouvelles politiques macroéconomiques pour préparer l’élimination à terme de la dualité des marchés).

-Réformes des structures : afin de relancer l’investissement privé productif (simplification des formalités administratives et transparence pour stimuler l’activité du secteur privé), accroître le taux de participation des femmes, améliorer l’accès au financement, moderniser le système financier, réformer le secteur des entreprises publiques et lutter contre la corruption pour rétablir la confiance de la population vis-à-vis des pouvoirs publics et s’approprier les réformes.

-Axe sectoriel : visera à moderniser et diversifier l’économie algérienne par le biais de stratégies sectorielles cohérentes ambitieuses prenant appui, inter alia, sur l’agro-industrie, les énergies renouvelables, le numérique et le vert afin d’accroître la productivité et la valeur ajoutée. Des voies qui permettront au pays de bénéficier du génie créateur de sa jeunesse.

Les objectifs quantitatifs du plan d’action. Prenant en considération les réformes ci-dessus, les principaux indicateurs macroéconomiques à fin 2027 visent :

Un taux de croissance devant atteindre 6,5 %.

Un taux d’inflation à 4 %.

Un déficit budgétaire hors hydrocarbures de 20,2 % du PIB hors pétrole soit une baisse de 9.6 points de pourcentage du PIB hors pétrole repartie entre les recettes (+3,3 points de pourcentage du PIB hors pétrole) et une baisse des dépenses totales (-6,3 points de pourcentage du PIB hors pétrole). Ce déficit devrait être couvert par du papier public et des prêts projets.

Un déficit du compte courant de la balance des paiements contenu à 3 % du PIB grâce à des efforts de diversification et de libéralisation de l’économie qui généreront une légère augmentation des exportations hors hydrocarbures, des IDE et des recettes touristiques vers la fin de la période de projection.

Le financement des réformes :

1-Estimation des besoins et de l’écart de financement à trouver : En tendance actuelle, en dehors de toute réforme, nos besoins de financement (investissements publics et renforcement des réserves internationales de change) sont d’environ $100 milliards sur quatre ans (2024-2027). Les réformes budgétaires et monétaires, la diversification des exportations et une dépréciation nominale du DA d’environ 30% (gain d’environ $20 milliards) combinées aux réserves internationales de changes disponibles à fin 2022 (environ $45 milliards) réduiraient ces besoins en financement à environ $35 milliards sur 4 ans soit environ $9 milliards annuellement.

2-Options de financement de l’écart : la finance islamique locale et extérieure ; les créanciers officiels multilatéraux et bilatéraux ; l’endettement extérieur pour financer des projets et mobiliser de l’aide budgétaire ; le crédit syndiqué pour financer les infrastructures, les projets énergétiques et l’industrie extractive et les obligations souveraines internationales.

Les conditions de succès du plan d’action 2024-2027 :

1-La disponibilité d’outils de pilotage : notamment un cadre macroéconomique à moyen terme (qui fixe les objectifs chiffrés macroéconomiques et structurels), le cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) et les cadres de dépenses à moyen terme (établis sur la base du CBMT et décomposant sur une période minimum de trois ans les grandes catégories de dépenses publiques, par nature, par fonction et par ministère) et des indicateurs varies pour évaluer et projeter les performances économiques et financières actuelles et futures.

2-Une gestion rigoureuse : qui implique : un suivi constant de la réalisation des objectifs macroéconomiques ; une réactualisation régulière, en conséquence, des projections macroéconomiques de pays et des outils qui les sous-tendent ; une réadaptation, si besoin est, du plan d’action pour s’ajuster aux changements éventuels sur le plans domestique et extérieur et une diffusion de l’information économique.

3-Un cadre institutionnel de conception, d’exécution et de contrôle : Ceci suppose un comité technique de mise en œuvre des réformes (CTR), regroupant les représentants les diverses administrations économiques et opérant sous l’autorité d’un comité politique stratégique (CPS) dont le rôle est de définir la stratégie et amender, le cas échéant, les politiques et programmes d’action. Le CTR produit mensuellement un tableau d’indicateurs économiques et financiers de base et les rapports trimestriels sur l’exécution les réformes. Ces documents sont transmis au comité politique afin de briefer les autorités politiques, la nation et les partenaires.

4-Une politique de communication : vis-à-vis de la population, des partenaires domestiques et internationaux sur toutes les reformes entreprises, les résultats obtenus et les perspectives à moyen terme.

5-Une politique sociale : destinée à protéger les couches vulnérables de la population qui seront affectées par les réformes structurelles au moyen d’une politique sociale intégrée et globale. Cette dernière est intégrée au cadre économique à moyen terme

Atbane Samir.

Chercheur universitaire.