
Notion de la politique étrangère
- Source
- Date : 2011-02-05
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La politique étrangère comme expression de la volonté des Etats
L’étude des relations internationales et des rapports inter-étatiques passe inéluctablement par la description et l’analyse des comportements d’un Etat vis-à-vis d’un autre Etat. L’ensemble des attitudes, des décisions et des comportements produits par un Etat dans sa relation avec un Etat tiers, forment ce qu’on peut appeler « politique étrangère » . Néanmoins, ce concept ne semble guerre être réduit à une si simple définition, il s’agit de toute une discipline qui a fait couler beaucoup d’encre depuis le déclenchement de la guerre froide avec la Foreing Policy Analisis (FPA) qui voulais instaurer une approche scientifique et statistique dans l’étude des relations internationales en mettant des standards pour le comportement des Etats afin de prévoir telle ou telle politique étrangère envers tel ou tel Etat. La fin du système bipolaire a fait dilapider ces standards sur lesquelles se basaient la société internationale dans laquelle l’analyse des rapports inter-étatiques s’était stabilisée sur une réalité bipolaire marquée par un équilibre Est-Ouest avec des centres de forces centripètes et centrifuges qui gravitent autours des deux camps. Aujourd’hui la donne semble être très différente d’où la nécessité de focaliser l’attention sur ce concept de politique étrangère. Une tentative de définition de cette notion fera l’objet d’un premier paragraphe , avant de se pencher sur les déterminants de cette politique étrangère (§§2).
1- qu’est-ce que la politique étrangère ?
De prime abord, la question de la définition de la notion de politique étrangère semble difficile compte tenu de son caractère ambivalent et enchevêtré . Il existe cependant , selon la plus part des chercheurs en relation internationales, plusieurs sources de confusion qui entravent toute possibilité de définition cette notion: dans un premier temps, l’expression elle-même fait objet de beaucoup d’analyses et d’interprétations qu’il convient de clarifier ; en second lieu, il faut établir quels domaines relèvent de la politique étrangère, et lesquels en sont exclus.
Don Munton[1] prétend que le terme « politique étrangère » soit employé de telle manière qu’« il est difficile de savoir s’il réfère à des actions, des buts, des décisions, des objectifs, des stratégies, des intérêts, des orientations, des initiatives, des attitudes, des projets, des engagements, ou quoi encore ». Cette remarque témoigne bien du flou qui entoure la définition de l’objet d’étude.
le terme est effectivement employé à toutes les sauces, par les dirigeants politiques, par les experts qui étudient leur comportement, et par le public en général qui juge les premiers en écoutant les seconds.
Il serait possible d’en proposer une plus précise et de faire abstraction de toutes les autres, mais cela défierait l’usage, voire le sens commun. Il faut donc s’accommoder de cette utilisation multiple du terme dans le langage courant.
le mot « politique » – premier terme de cette notion de politique étrangère -, renvoie aux actions, aux objectifs et aux décisions des autorités politiques , soit les gouvernements, et dire que la politique étrangère relève uniquement des gouvernements (et uniquement de ceux qui ont le mandat de mener une politique étrangère), c’est faire une distinction essentielle qui permet d’écarter d’emblée les relations qu’entretiennent avec l’étranger des acteurs non étatiques ou transnationaux, tels que les firmes multinationales ou les organisations non gouvernementales (ONG). Cela ne veut pas dire que leur rôle sur la scène politique internationale soit marginal, qu’ils n’aient aucune incidence significative sur la ligne de conduite des gouvernements à l’étranger, ou qu’ils n’aient pas leurs propres objectifs politiques. Cependant, l’analyse de la politique étrangère est, au sens propre du mot, l’étude du comportement des élus ou des fonctionnaires mandatés pour exercer l’autorité politique souveraine sur un ensemble défini de questions, pour un nombre défini d’individus, dans un territoire défini.
Au-delà de cette distinction, la définition de la nature des rapports d’un gouvernement avec l’étranger se heurte à une seconde difficulté liée au sens de l’adjectif dans « politique étrangère » : quels champs d’activités doivent être englobés dans ce terme, et lesquels doivent en être exclus ? La difficulté provient du fait que les autres champs d’activités des gouvernements sont définis selon des critères fonctionnels : gestion des pêches et océans, politique sociale, développement industriel, etc. Ces dénominations purement fonctionnelles permettent de différencier les domaines propres à chaque politique, même s’ils finissent inévitablement par se chevaucher. Mais pour ce qui est de la politique étrangère, il est nécessaire d’établir une différenciation géopolitique : la politique étrangère commence là où s’achève la juridiction territoriale de l’État. Selon un dicton répandu aux États-Unis, La politique s’arrête au bord de l’eau – une formule qui enjoint d’oublier les différends politiques internes lorsque l’on traite avec l’étranger. Pour Marcel Merle[2], « la politique étrangère est […] la partie de l’activité étatique qui est tournée vers le “dehors” », c’est-à-dire qui traite, par opposition à la politique intérieure, des problèmes qui se posent au-delà de la frontière ». Pour beaucoup, cette politique se compare à n’importe quelle autre politique gouvernementale, tant sur le plan des programmes que des mécanismes utilisés par l’État pour atteindre ses objectifs politiques. Ce n’est pas tant « la politique extérieure » que « la politique qui est extérieure », soit l’idée selon laquelle la politique étrangère ne serait qu’un simple prolongement externe de la politique intérieure d’un gouvernement, la projection de ses intérêts au-delà des frontières de l’État. Certains estiment plutôt que la politique étrangère se classe dans une catégorie fonctionnelle et non pas géographique. En d’autres termes, la politique étrangère couvre un domaine bien spécifique, au même titre que les autres domaines fonctionnels où intervient l’État. Hans J. Morgenthau[3], qui a largement contribué à formuler la version contemporaine de la théorie réaliste en Relations internationales, établit une distinction entre politique internationale et relations internationales. La première est essentiellement affaire de puissance. Partant de ce principe, un État mène une action politique uniquement lorsqu’il manifeste une volonté de conserver ou d’accroître sa puissance. Mais la conduite des relations internationales n’est pas nécessairement politique, puisque plusieurs aspects des relations qu’un gouvernement entretient avec l’étranger n’ont qu’un lointain rapport avec la quête de la puissance : par exemple, la négociation de traités d’extradition, les ententes d’échange de biens et services, l’assistance humanitaire, la promotion de la culture à l’étranger[4].
Une perspective moins réductrice ne se limiterait pas à la seule notion de puissance, mais engloberait tous les éléments associés à ce concept. De ce point de vue, le véritable champ d’action de la politique étrangère relève de la «haute politique » (high politics). C’est ce que Rudyard Kipling[5] appelait « le grand jeu » de la politique internationale : mystification, conspiration et, si nécessaire, recours à la violence – tout ce que font les États pour assurer leur domination et leur contrôle dans un environnement caractérisé par l’absence d’autorité centrale. Cette interprétation se trouve renforcée par le constat selon lequel la diminution du niveau de puissance d’un État peut entraîner des conséquences dramatiques : domination, conquête, occupation, ou absorption pure et simple. C’est pourquoi les dirigeants s’engagent dans un jeu d’équilibre des puissances, notamment en scellant des alliances. Et parfois, en marge de ces rivalités endémiques, les États parviennent à entrer dans des relations de coopération, ce qui contribue à ériger les rudiments de ce que Hedley Bull a appelé une « société anarchique[6] ». Ainsi, la politique étrangère tourne autour de trois préoccupations centrales associées à la « haute politique » : l’ordre international, la paix et la guerre.
Établir les limites du champ de la politique étrangère sur la base d’un critère tel que la puissance permet de simplifier l’analyse et résoudre certains problèmes, mais pas tous. La dimension militaire est l’un des aspects importants de la puissance – le principal, diront certains. Or, elle relève plus de la «politique de défense » que de la «politique étrangère », ne serait-ce que sur le plan de la délimitation des domaines de compétence des organismes qui en ont la charge. La solution la plus simple à ce problème consiste à assimiler les deux politiques, en gardant à l’esprit les deux considérations suivantes. D’une part, la politique de défense peut (ou devrait), sous certains de ses aspects, être subordonnée à la politique étrangère. Elle constitue un instrument qui vise à réaliser certains objectifs définis dans le cadre plus vaste de la politique étrangère.
La perspective réaliste, fondée sur le concept de puissance, a été remise en question, surtout depuis le début des années 1970, par ceux qui la considèrent comme démodée, datant de l’époque révolue où les souverains et leurs plénipotentiaires pratiquaient ce que l’on pouvait appeler un « divertissement royal ». Les temps ont changé, les préoccupations aussi, et de nouvelles approches, telles que le transnationalisme, l’institutionnalisme ou le constructivisme, ont été formulées pour rendre compte de phénomènes qui ne relèvent pas uniquement de la sphère de la haute politique. Ainsi, les progrès de la technologie et l’économie libérale ont mené à l’émergence d’une économie globale qui lie intimement les États entre eux, tandis que la révolution des communications a donné naissance au « village global ». Les questions de haute politique ont fait place aux « petites » préoccupations des relations internationales (low politics) : répartition des richesses ; échange de biens et services, de capitaux et de connaissances ; protection de l’environnement ; contrôle des problèmes sanitaires ; promotion des normes et valeurs démocratiques libérales, dont les droits de la personne ; sans oublier les communications, la criminalité transfrontalière ou la protection des droits d’auteur. Bref, contrairement à ce que soutiennent les Réalistes, la politique internationale et la politique étrangère ne sont plus une simple question de puissance, et les questions économiques et sociales n’occupent plus une place de second ordre. Comme le note Geoffrey Underhill, les questions économiques et politiques « ne peuvent pas être dissociées de façon significative[7] ». Selon lui, exclure du domaine de la politique étrangère les profondes transformations que subit le système international est anachronique. Les chercheurs en politique étrangère peuvent trouver un terrain d’entente entre les réalistes et leurs critiques, ce qui a été fort bien exprimé par deux auteurs britanniques, Steve Smith et Michael Smith. Constatant que le système international actuel a des « priorités variables et difficiles à démêler sur les questions diplomatiques, militaires, économiques et sociales », ils concluent :
Dans ces conditions, on doit aborder la politique extérieure en tenant compte de son caractère complexe et paradoxal. Ce domaine politique n’est ni totalement diplomatique et militaire, ni entièrement économique et social ; il n’est pas complètement dominé par « la haute politique » comme l’affirment certains théoriciens, mais il n’est pas non plus profondément influencé par « la basse politique » comme d’autres le prétendent […] La « politique étrangère » se révèle être maintenant un terme générique pour décrire les tentatives des gouvernements d’influencer ou de contrôler les événements au-delà des frontières de l’État[8].
2- qu’est-ce qui détermine la politique étrangère ?
Pour expliquer la politique étrangère d’un État, l’analyse doit non seulement être focalisée sur ce qui se passe sur le plan international, mais sur le contexte sociopolitique interne, ainsi que la nature, la structure et le fonctionnement du gouvernement. Puisque la politique étrangère d’un État est élaborée à la jonction de trois sphères politiques – internationale, nationale (ou intérieure) et gouvernementale –, il n’est pas possible de l’analyser sans bien connaître chacune de ces sphères.
1- La sphère internationale :
La première sphère qui détermine la politique étrangère est le contexte international. Deux éléments distincts, mais intimement liés, peuvent lui être associés : d’abord l’environnement dans lequel évolue l’État, et ensuite la place qu’il occupe dans cet environnement. Une évaluation du milieu externe présuppose un certain nombre de questions d’ordre général quant à la nature du système international lui-même. Quelle est la nature et la forme de l’organisation politique des unités qui évoluent dans le système : des principautés ? des États ? des empires ? des monarchies ? des démocraties ? des dictatures ? Combien d’États composent le système ? Quelle est leur puissance relative ? Le système est-il unipolaire, bipolaire ou multipolaire ? Quelle est la nature de l’ordre international (anarchique, hiérarchique) ? Quels sont le degré et la nature de la coopération et de l’institutionnalisation au sein du système ? Tous ces facteurs auront une influence considérable sur la politique étrangère d’un État.
L’étude de la place de l’État dans ce système doit englober l’examen de sa situation géographique, de son statut par rapport aux autres États, de ses liens économiques avec l’extérieur, de ses alliances, de ses ressources et de sa puissance. La plupart des chercheurs en politique étrangère amorcent leurs recherches par l’élément le plus évident, soit la localisation de l’État dans le système international. Le terme « localisation» fait référence non seulement à la situation physique ou géographique d’un État, mais aussi à sa position dans un sens politique plus large. Outre les ressources dont il dispose, la situation géographique détermine certaines caractéristiques géostratégiques, telles que le nombre d’États voisins, ce qui a un impact sur la sécurité nationale. Il est bien évident qu’un État isolé (ou un État insulaire) adoptera une politique étrangère différente de celui qui a des frontières communes avec de nombreux voisins qui nourrissent des visées expansionnistes. De même, la politique étrangère d’un État dépend de son éloignement ou de sa proximité des axes de rivalité entre grandes puissances. Le voisinage avec une grande puissance peut parfois entraîner bien des complications, comme l’ont appris à leurs dépens les Afghans, les Mexicains, les Polonais, les Irlandais et les Vietnamiens[9] ….
2-La structure économique :
Le type de rapport qu’un pays entretient avec l’étranger est fortement influencé par sa situation dans l’économie mondiale, car la structure et la diversité de son tissu économique affectent son potentiel d’autonomie en politique étrangère, et déterminent ses forces et ses faiblesses. Sa situation détermine également les aspects dominants de ses relations commerciales, ses sources de capitaux pour l’investissement et la stabilité de sa monnaie sur les marchés boursiers mondiaux. Un État dont l’économie est peu développée ou qui repose sur une monoculture a des priorités internationales différentes de celui qui bénéficie d’une structure économique mixte relativement forte. La dépendance à l’égard du commerce international, les fluctuations monétaires, les progrès de la technologie, l’accès aux ressources naturelles (aliments, carburant ou matières premières) ou encore le degré de diversification commerciale contribuent largement à structurer la politique étrangère.
3-Les moyens et ressources :
L’analyse de la politique étrangère d’un État nécessite également un examen des moyens dont il dispose, moyens définis tant en termes absolus que relatifs.
Il s’agit généralement de données quantifiables ayant trait, par exemple, à l’économie (produit intérieur brut [PIB], niveau d’industrialisation, accès aux matières premières, etc.), à la démographie (population, niveau de scolarisation, d’urbanisation, etc.) ou à l’armée (ressources humaines et matérielles disponibles, part du budget consacré à la défense, etc.). Ces données servent souvent à établir le rang d’un État dans la hiérarchie internationale. Il existe d’autres types de ressources, beaucoup plus difficiles à quantifier, mais qui ont néanmoins une grande influence sur la capacité d’un État à agir sur la scène internationale. Il s’agit des ressources morales, telles que la certitude de défendre des causes justes, la conviction idéologique ou religieuse, ou encore la réputation d’un État parmi la communauté internationale.
4- La puissance de l’État :
Tous ces facteurs – situation géographique, structure économique et moyens – ont une incidence cruciale sur la puissance de l’État. Le système international est d’abord et avant tout un système anarchique ; il n’existe aucune puissance souveraine au-dessus des États pour arbitrer les conflits, à l’exception de vagues dispositions que les États ont théoriquement le loisir de suivre ou d’ignorer[10]. Chaque État cherche à maximiser ses gains, seul ou en coopération avec d’autres, par le biais d’accords bilatéraux ou multilatéraux. Seule la puissance permet d’atteindre l’objectif ultime que poursuivent universellement toutes les unités politiques, fiefs tribaux ou Etats nations, soit leur autonomie politique. Pour comprendre la politique étrangère d’un pays, il faut considérer la puissance comme un déterminant essentiel de l’atteinte des objectifs secondaires.
5-La politique intérieure :
Certains théoriciens estiment que seule l’étude des facteurs externes (soit la puissance relative des États) est pertinente pour l’examen de la politique étrangère. Dans cette perspective, c’est principalement la nature du système international qui détermine le comportement des États. Le contexte intérieur dans lequel s’élabore la politique étrangère n’a que peu d’importance. Quel que soit le régime politique en place, quelle que soit la personnalité ou l’idéologie des décideurs, l’État, considéré comme un acteur rationnel, adoptera toujours la politique qui lui permettra de maximiser ses gains dans un environnement anarchique.
Kenneth Waltz, qui a largement contribué à élaborer cette théorie « structuro-réaliste », compare les forces systémiques du système international à celles du marché : les firmes qui y évoluent doivent faire face à des contraintes structurelles qui orientent leur démarche de façon à assurer leur survie – celles qui n’adoptent pas un comportement adapté aux circonstances font faillite et disparaissent. Il en est ainsi du système international et des unités qui y évoluent ; les États qui ne s’adaptent pas aux contraintes du système international sont appelés à disparaître[11].
Le structuro-réalisme[12] cherche à expliquer la politique internationale sur le plan systémique, c’est-à-dire les interactions des États, considérées dans leur ensemble. Waltz admet que son modèle théorique « explique un petit nombre de choses importantes[13]», et qu’il n’a qu’une utilité limitée pour expliquer l’élaboration de la politique étrangère de chaque État considéré individuellement.
Certains auteurs puisqu’ils défendent, sur cette question, une position diamétralement opposée à celle des structuroréalistes. C’est notamment le cas des historiens, qui utilisent des modèles empiriques et inductifs. Selon Pierre Milza[14], les historiens s’entendent pour « considérer la politique intérieure des États comme l’une des principales clés d’explication du jeu international» .
Les écoles libérales de la politique étrangère ou des relations internationales vont dans le même sens. Pour celles-ci, le type de régime politique, les rapports entre les différentes composantes de l’État, ainsi qu’entre l’État et les citoyens, sont des éléments déterminants pour comprendre le comportement international d’un État. La théorie de la « paix démocratique », qui vise à rendre compte de l’absence de guerre entre les démocraties libérales, est en partie basée sur ce postulat de la prédominance de l’interne sur l’externe comme déterminant du comportement international de l’État[15].
Enfin, d’autres approches adoptent une position intermédiaire. Contrairement aux structuro-réalistes, les auteurs réalistes « classiques », comme Hans Morgenthau ou Raymond Aron, prétendaient expliquer le comportement individuel des États, mais continuaient de maintenir une séparation très nette entre les facteurs internes et externes, ces derniers étant considérés comme les plus importants. Toutefois, les tenants d’une forme modérée de réalisme, qualifié de « réalisme néoclassique », estiment que, même si les rapports de puissance relative constituent toujours la principale variable à considérer, l’étude de la politique étrangère doit également tenir compte de certains facteurs internes pour expliquer les décisions et les politiques spécifiques[16]. De même, les constructivistes s’appuient sur un ensemble de variables, comme l’identité des communautés étudiées et l’intersubjectivité des acteurs, qui relèvent également tant de la dynamique interne de l’État que de son rapport avec l’environnement international[17]. Parce que nous souhaitons, dans ce mémoire, comprendre le comportement d’un État (l’Espagne) vis-à-vis d’un autre Etat le Maroc) en particulier, nous intégrerons à notre analyse un certain nombre de variables qui relèvent de la politique intérieure : la nature, la composition, les forces politiques et parlementaires et tout particulièrement les clivages historiques au sein du système politique espagnol.
Il convient également de tenir compte de la nature du régime politique, soit une démocratie libérale, et de son impact sur la conduite de la politique étrangère.
6-La dynamique de l’appareil gouvernemental :
Les considérations internationales et nationales constituent des paramètres à l’intérieur desquels le gouvernement élabore sa politique étrangère. Mais c’est au sein du gouvernement et par le gouvernement que sont prises les décisions, et celui-ci n’est pas un acteur unitaire ou monolithique, qui pense, agit et s’exprime comme le ferait un individu. Les représentants de l’État, élus et fonctionnaires des nombreux services concernés, peuvent entretenir des conceptions très différentes, sinon contradictoires, de l’intérêt national et des opinions sur la marche à suivre ; et ces opinions divergentes dépendent largement de la position respective de chacun de ces acteurs dans la structure gouvernementale. Si bien que les décisions prises par le gouvernement ne sont pas toujours conformes à celles que dicterait une approche purement rationnelle. Ces décisions peuvent être résultat d’une dynamique bureaucratique, c’est-à-dire des échanges et compromis entre les représentants de l’État à différents paliers du gouvernement, au cours de la négociation d’un point précis de politique étrangère.
Puisque le processus décisionnel affecte le contenu des décisions elles mêmes, il convient d’examiner dans quel cadre le gouvernement élabore sa politique étrangère et quels sont les facteurs qui, au sein de l’appareil d’État, influencent la prise de décision. Une telle étude doit englober les structures institutionnelles et organisationnelles établies pour la prise de décision, l’organigramme de ces institutions, et les relations politiques au sein même des différents organismes gouvernementaux, et entre eux. Les rapports au sein de l’exécutif, comme les relations entre l’exécutif et le législatif, sont importants pour expliquer la politique gouvernementale.
Par Youssef Elhamdouni .
Doctorant en relations internationales et sciences politiques.
Observatoire des études méditerranéennes – Faculté des sciences juridiques, économiques et sociale de tanger .
Bibliographie :
[1] Professeur à l’ University of Northern British Columbia et auteur de plusieurs études et analyses sur les relations internationales .
[2] Marcel Merle, agrégé de droit public (1950) a partagé sa carrière entre Bordeaux (où il a dirigé l’Institut d’études politiques) et Paris (1967), où il a enseigné à l’Université de Paris-I et à l’Institut d’études politiques. Il a écrit une quinzaine d’ouvrages et une centaine d’articles scientifiques, dont la majorité a été consacrée aux Relations internationales.
[3] Hans Joachim Morgenthau (17 février 1904 – 19 juillet 1980) fut un théoricien majeur des relations internationales, peut-être le plus influent jusqu’à aujourd’hui. il est l’un des principaux auteurs de l’école réaliste classique. Il a notamment mis l’accent sur ce qu’il considérait comme étant les déterminants matériels de la puissance : un vaste territoire, une population nombreuse, une économie forte (qui permet le cas échéant de financer une guerre), une technologie de pointe… Auxquels il a ajouté les déterminants immatériels, comme le sentiment national, la qualité du gouvernement et celle de la diplomatie.
Il publie Politics among Nations, son plus célèbre ouvrage, en 1948.[]
[4] Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations. The Struggle for Power and Peace (5e éd.), New York, Knopf, 1973, p. 27 28. Sur cette dimension de la réflexion de Morgenthau, voir Jean-François Thibault, « Hans J. Morgenthau, le débat entre
idéalistes et réalistes et l’horizon politique de la théorie des relations internationales: une interprétation critique », Études internationales, vol. 28, no 3, septembre 1997, en particulier p. 580-582.
[5]Ecrivain anglais, Bombay, Inde britannique, le 30 décembre 1865 – Londres, le 18 janvier 1936
[6] Hedley Bull, The Anarchical Society: A Study of Order in World Politics, New York, Columbia University Press, 1977; voir aussi Barry Buzan, «From International System to International Society: Structural Realism and Regime Theory Meet the English School », International Organization, vol. 47, no 3, été 1993, p. 327-352.
[7] Geoffrey R. D. Underhill, «Conceptualizing the Changing Global Order», dans Richard Stubbs et Geoffrey R. D. Underhill (dir.), Political Economy and the Changing Global Order, Toronto, McClelland & Stewart, 1994, p. 18.
[8] Steve Smith et Michael Smith, «The Analytical Background: Approaches to the Study of British Foreign Policy», dans Michael Smith, Steve Smith et Brian White, British Foreign Policy: Tradition, Change and Transformation, Londres, Unwin Hyman, 1988, p. 15.
[9] James N. Rosenau, «Introduction: New Directions and Recurrent Questions in the Comparative Study of Foreign Policy», dans Charles F. Hermann, Charles W. Kegley Jr. et James Rosenau (dir.), New Directions in the Study of Foreign Policy, Boston, Allen and Unwin, 1987, p. 1.
[10] Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations. The Struggle for Power and Peace (5e éd.), New York, Knopf, 1973, p. 27 28. Sur cette dimension de la réflexion de Morgenthau, voir Jean-François Thibault, « Hans J. Morgenthau, le débat entre
idéalistes et réalistes et l’horizon politique de la théorie des relations internationales: une interprétation critique », Études internationales, vol. 28, no 3, septembre 1997, en particulier p. 580-582.
[11] Kenneth N. Waltz, op. cit., p. 89-91.
[12] Pour un survol du courant structuro-réaliste, voir Alex MacLeod, « Émergence d’un paradigme hégémonique », dans Alex MacLeod et Dan O’Meara , La théorie des relations internationales depuis la fin de la Guerre froide: contestations et résistances, Montréal, Athéna, 2007, p. 19-34.
[13] Kenneth N. Waltz , « A Response to My Critics », dans Robert O. Keohane , Neorealism and Its Critics, New York, Columbia University Press, 1986, p. 329.
[14] Pierre Milza, né le 16 avril 1932 à Paris, est un historien français. Il est professeur émérite des Universités à l’Institut d’études politiques de Paris et membre du conseil scientifique de l’Institut François-Mitterrand.
[15] Sur la théorie libérale des relations internationales, voir Stéphane Roussel, «La constellation diffuse des théories libérales»
[16] Gideon Rose, «Neoclassical Realism and Theories of Foreign Policy», World Politics, vol. 51, octobre 1998, p. 144-172.
[17] Alex MacLeod, «L’approche constructiviste en politique étrangère», p. 65-89.